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Kazy Lambist : L'ascension d'un rêveur électronique



Un soir d'été à Rome, entre les ruelles pavées et les éclats de rire des terrasses, Arthur Dubreucq compose "Nirvana", un morceau qui deviendra l'âme de son prochain album. À 33 ans, ce Montpelliérain discret, connu sous le nom de Kazy Lambist, a transformé son home studio en un laboratoire de sons où se mêlent l'électro-pop française, les influences méditerranéennes et une touche de nostalgie des jeux vidéo. Son parcours, jalonné de collaborations avec des figures comme Jean-Benoît Dunckel d'Air et de tournées internationales, raconte bien plus qu'une réussite musicale : c'est l'histoire d'un autodidacte qui a su garder son âme d'enfant tout en conquérant les scènes du monde.



Des touches de piano aux beats électroniques



Arthur Dubreucq naît vers 1991 à Montpellier, dans une famille où la musique classique résonne dès son plus jeune âge. À 7 ans, il s'assoit devant un piano et découvre la rigueur des gammes. Mais l'adolescence le pousse vers la guitare, qu'il apprend en autodidacte, et surtout vers l'univers des synthétiseurs. "J'ai toujours aimé les sons qui racontent une histoire, même sans paroles", confiait-il dans une interview à Saint Audio en 2024.



Le déclic ? Un échange scolaire au Canada, en Colombie-Britannique, où il découvre une boisson locale nommée "Kazy Lambist". Le nom, à la fois exotique et mystérieux, lui colle à la peau. De retour en France, il se lance dans la production musicale, inspirée par les bandes-son de jeux vidéo et les paysages sonores de Radio Nova, qui diffusera ses premières maquettes en 2011.



"La musique, pour moi, c'est comme un jeu vidéo : chaque morceau est un niveau à explorer, avec ses propres règles et ses émotions cachées."


2018 : L'année de la révélation



Après des années de tâtonnements dans son home studio, Kazy Lambist sort son premier album, 33.000ft, en 2018. Le titre, référence à l'altitude de croisière des avions, symbolise son envie de s'élever au-dessus des conventions. L'album, un mélange d'électro-pop élégante et de chill-wave, séduit immédiatement. Des titres comme "Doing Yoga" ou "Love Song" deviennent des hymnes pour une génération en quête de douceur et de rythme.



La même année, il remporte le prix du public inRocks Lab à Paris, un tremplin qui lui ouvre les portes des médias. On le voit sur France 5, dans C à vous ou encore dans Le Petit Journal de Canal+. Même des cinéastes comme Guillermo del Toro et Ana Lily Amirpour saluent son travail, voyant en lui un nouveau visage de la scène électronique française.



Collaborations et tournées : L'électro-pop sans frontières



Kazy Lambist ne se contente pas de son studio. Dès 2019, il collabore avec Jean-Benoît Dunckel, membre du duo légendaire Air, pour l'EP Sky Kiss. Ce projet marque un tournant : l'artiste passe du statut de bedroom producer à celui de créateur recherché. "Travailler avec JB a été une leçon d'humilité et de liberté", avoue-t-il dans une interview pour C-Heads.



Ses collaborations ne s'arrêtent pas là. Il invite Pongo, une voix montante de la scène africaine, sur le titre "Work", et s'associe avec des artistes comme SCARR ou Lass. Ses morceaux, désormais, voyagent : "On You" dépasse les 2 millions de vues sur YouTube, tandis que des festivals comme Rock the Mountain en France ou Ms Dockville en Allemagne l'accueillent à bras ouverts.



Une tournée mondiale et des influences méditerranéennes



Entre 2022 et 2024, Kazy Lambist prend la route. Istanbul, Mexico, Berlin, Varsovie, Montréal, Barcelone... Ses concerts sont des voyages sensoriels, où les synthés fluides rencontrent des rythmes pulsants. Mais c'est à Rome qu'il trouve une nouvelle source d'inspiration. "Cette ville est magique, elle déconnecte du temps", explique-t-il. C'est là qu'il compose "Nirvana", en collaboration avec la chanteuse Julietta, un titre qui annonce son deuxième album, Moda.



Le nom de l'album est un clin d'œil au quartier Moda d'Istanbul, où il a passé des mois à absorber les sons et les couleurs de la ville. Moda promet d'être un tournant : moins électronique, plus organique, avec des violons, des pianos et des influences méditerranéennes. "J'ai rejeté des centaines de maquettes pour rester fidèle à ce que je ressens", confie-t-il. Une quête de perfection qui montre son évolution, loin des boucles répétitives de l'électro traditionnelle.



Un son qui évolue, une identité qui reste



Ce qui frappe chez Kazy Lambist, c'est sa capacité à se réinventer sans perdre son essence. Ses débuts, marqués par des morceaux comme "Annecy" ou "Headson", étaient déjà empreints d'une mélancolie dansante. Aujourd'hui, avec des titres comme "Nirvana" ou "The City Is Beautiful", il explore des territoires plus sombres, plus profonds, tout en gardant cette légèreté qui le caractérise.



Son processus créatif est intuitif. Les paroles, souvent écrites comme un "instrument vocal", viennent après la musique. "Je laisse les sons me guider, comme si je suivais une carte au trésor", dit-il. Cette approche, presque ludique, rappelle ses origines : les bandes-son de jeux vidéo, ces univers où chaque note a un sens.



En 2024, alors que Moda s'apprête à sortir, Kazy Lambist prépare aussi une tournée aux États-Unis et au Canada avec Kid Francescoli. Une nouvelle étape pour cet artiste qui, à seulement 33 ans, a déjà marqué la scène électronique française de son empreinte.



Son histoire est celle d'un rêveur qui a su transformer ses influences en quelque chose d'unique. Entre Montpellier, Rome et Istanbul, Kazy Lambist continue de tracer sa route, un beat à la fois.

L'alchimie sonore : des studios de Montpellier aux ruelles de Rome



La carrière de Kazy Lambist ne suit pas une trajectoire linéaire. Après le succès de 33.000ft en 2018, une période de tournées intensives l'éloigne des studios. Pourtant, cette phase n'est pas un arrêt. Elle nourrit une maturation profonde, visible dans ses projets ultérieurs. En 2021, il sort l'EP Decrescendo, un exercice de réinvention audacieux. Il y reprend ses titres phares avec un ensemble classique, transformant des morceaux électroniques en pièces lyriques pour cordes et piano. Ce projet, bien plus qu'une curiosité, démontre sa maîtrise compositionnelle et son refus de l'enfermement dans un seul genre.



Le laboratoire de Moda : centaines de démos et une épure retrouvée



La genèse de son deuxième album, Moda, prévu pour 2024, est un récit en soi. Arthur Dubreucq a passé deux ans entre Rome et Istanbul, des villes qui ont redéfini sa palette sonore. Le processus a été méticuleux, presque douloureux. "J'ai créé et rejeté des centaines de démos", révèle-t-il à C-Heads Magazine. Cette rigueur avait un but : éviter la répétition et retrouver le cœur de sa musique. Le résultat s'éloigne de l'électro-pop pure pour intégrer des instruments organiques – violon acoustique, piano, percussions méditerranéennes – et des mélodies qui semblent chargées de la lumière d'Italie.



Le single "Nirvana", enregistré à Rome avec la chanteuse Julietta, en est le parfait ambassadeur. La chanson mêle des lignes de basse chaloupées à des synthés vaporeux, tandis que la voix de Julietta ajoute une sensualité languissante. C'est un son moins immédiatement "dansant" que "Doing Yoga", mais plus profondément évocateur. Il s'agit d'une évolution assumée, passant du "home studio" montpelliérain à une inspiration puisée dans le chaos créatif d'Istanbul et la dolce vita romaine.



"Rome est une ville qui vous déconnecte du temps présent. On s'y perd, et c'est dans cette perte que l'on trouve des idées nouvelles. Istanbul, c'est son contraire énergétique, une pile électrique. Moda est né de ce dialogue."


L'architecture d'un son : entre pop immédiate et textures complexes



Analyser la musique de Kazy Lambist, c'est comprendre comment il équilibre accessibilité et sophistication. Ses titres les plus populaires, de "On You" à "Headson", reposent sur des hooks immédiats – une ligne de synthé accrocheuse, un refrain entêtant. Mais écoutez de plus près : les arrangements sont rarement simples. Il superpose des couches de textures, des nappes atmosphériques à des détails rythmiques fins, héritage de ses heures passées à sculpter le son sur ordinateur.



Cette dualité se retrouve dans ses collaborations. Avec Pongo sur "Work", il fusionne son électro-pop douce avec l'énergie Kuduro de l'artiste angolaise, créant un pont entre deux continents musicaux. Son remix de "Acacia" en 2021 pour le duo français Polo & Pan montre son habileté à recontextualiser un morceau tout en en préservant l'essence joyeuse. Chaque projet est un calcul précis entre son identité et celle de l'autre artiste.



Son approche des paroles est tout aussi distinctive. Il les traite comme un "instrument vocal", privilégiant souvent la sensation au récit littéral. Dans "The City Is Beautiful" (2022), les phrases se répètent, s'étirent, devenant elles-mêmes une mélodie dans la mélodie. Cette méthode intuitive, qu'il compare à du "beatboxing émotionnel", donne à ses chansons une universalité qui dépasse la barrière de la langue.



Une présence scénique qui a mûri



Celui qui débutait seul derrière ses machines est devenu un performeur accompli. Sur scène, Kazy Lambist est désormais souvent accompagné de musiciens, donnant une chair nouvelle à ses compositions. Ses passages dans des festivals comme Caribana en Suisse ou Rock the Mountain en France ont forgé sa réputation. Les retours critiques pointent l'évolution d'un set qui gagne en densité et en chaleur humaine, loin de la froideur que l'on prête parfois à la musique électronique.



Cette transition du studio à la scène est cruciale dans l'économie actuelle de la musique. Elle ancre son projet dans le réel, créant un lien direct avec un public qui ne cesse de grandir. Sa tournée nord-américaine à venir avec Kid Francescoli, prévue après la sortie de Moda, n'est pas un hasard. Elle vise des marchés où l'électro-pop française, portée par des labels comme Kitsuné il y a une décennie, conserve un capital de coolness et une attente pour de nouveaux visages.



Dans le paysage musical français : un électron libre ?



Positionner Kazy Lambist dans la scène électro-pop française actuelle demande de la nuance. Il n'appartient pas à la vague "French Touch" des années 2000, trop jeune pour cela. Il ne s'inscrit pas non plus dans l'hyper-production électronique plus agressive de certains de ses contemporains. Il occupe un espace intermédiaire, aux côtés d'artistes comme Kid Francescoli ou Vendredi sur Mer, où la mélodie et l'ambiance priment sur la puissance du beat.



Son parcours autodidacte et son refus des sentiers battus en font une figure singulière. Alors que beaucoup de producteurs misent sur la régularité des sorties et les algorithmes des plateformes, Dubreucq prend son temps. Six ans séparent son premier album de son second. Ce délai, autrefois courant, est aujourd'hui presque anachronique. Il témoigne d'une volonté de laisser la musique s'incuber, de privilégier l'album comme œuvre cohérente face à la tyrannie du single.



Cette patience est payante. Elle construit une attente et préserve une forme d'intégrité artistique. Dans un entretien avec Saint Audio, il insiste : "Je ne veux pas me répéter. Si c'était le cas, j'aurais sorti un 33.000ft Vol.2 il y a trois ans." Ce positionnement le distingue dans un écosystème musical souvent pressé, faisant de lui un artiste "album" dans l'ère du streaming.



Son influence, bien que difficile à quantifier, est perceptible. La manière dont il a popularisé un son "dreamy" et tropical, sans être cliché, a ouvert une voie. De jeunes producteurs regardent son parcours, de Montpellier aux festivals internationaux, comme une preuve qu'il est possible de conquérir un public large sans quitter sa chambre – du moins au début – et sans sacrifier sa vision personnelle.

L'héritage en construction : entre rêve et réalité



Quand Kazy Lambist a posé ses valises à Rome en 2022, il ne cherchait pas seulement un nouveau décor. Il fuyait une routine créative qui, malgré le succès, menaçait de l'enfermer. Ce départ, plus qu'un changement de latitude, symbolise une question centrale pour tout artiste : comment grandir sans se trahir ? Sa réponse, encore en cours d'écriture, réside dans cette tension entre l'innocence des débuts et la maturité des choix. Le jeune homme qui composait dans sa chambre à Montpellier n'a pas disparu. Il s'est simplement enrichi des couleurs du Bosphore et des murmures du Tibre.



Ce cheminement pose une interrogation plus large sur la scène musicale française. Dans un pays où l'électro-pop a souvent été associée à des collectifs ou à des labels puissants (comme Ed Banger ou Kitsuné), Kazy Lambist incarne une voie solitaire, presque artisanale. Il n'a pas attendu les réseaux d'un Busy P ou d'un Pedro Winter pour émerger. Son ascension, patiente et organique, rappelle que le talent peut encore percer sans machine marketing, à condition d'avoir une voix singulière.



Le défi de la longévité dans l'ère de l'éphémère



La musique électronique vit aujourd'hui sous le règne de l'instantané. Un titre devient viral sur TikTok, un autre disparaît dans le flux continu des plateformes. Dans ce contexte, le pari de Kazy Lambist est risqué : miser sur l'album comme forme d'expression principale, prendre son temps entre deux projets, et refuser les recettes éprouvées. "Je pourrais sortir un single tous les mois, mais à quel prix ?", confie-t-il dans une interview pour Better Things Berlin. Cette résistance à la cadence imposée par l'industrie est à la fois un acte de courage et un pari sur l'intelligence de son public.



Pourtant, ce choix n'est pas sans conséquences. Entre 2018 et 2024, certains de ses pairs ont enchaîné les collaborations, les remixes et les features, accumulant des millions de streams. Lui a préféré l'ombre des studios et des voyages. Le résultat, Moda, sera jugé non seulement sur sa qualité musicale, mais aussi sur sa capacité à reconquérir un espace médiatique qui a la mémoire courte. La question n'est pas tant de savoir si l'album sera bon – les extraits le laissent présager – mais s'il trouvera sa place dans un paysage où l'attention est une denrée rare.



Un autre défi se profile : celui de la scène live. Si ses concerts sont salués pour leur atmosphère immersive, la tournée nord-américaine avec Kid Francescoli sera un test. Le public outre-Atlantique, habitué à des spectacles plus théâtralisés ou à des DJ sets énergiques, accueillera-t-il avec la même ferveur cette électro-pop introspective, teintée de mélancolie méditerranéenne ? L'enjeu est de taille : passer du statut d'artiste français à succès à celui de figure internationale.



Au-delà de la musique : l'art comme écosystème



Kazy Lambist ne se contente pas de faire de la musique. Il construit un univers. Ses collaborations avec des créateurs comme Jean-Charles de Castelbajac pour des projets visuels, ou ses participations à des performances hybrides, montrent une volonté de dépasser le cadre du simple album. Cette approche holistique, où le son, l'image et l'expérience se répondent, le rapproche d'artistes comme Woodkid ou FKA twigs, pour qui l'art est un tout indissociable.



Son attachement à des villes comme Rome et Istanbul n'est pas anodin. Ces métropoles, chargées d'histoire et de contradictions, nourrissent une esthétique qui transcende la simple musique. Dans "Nirvana", on entend les échos des fontaines romaines ; dans les beats de "The City Is Beautiful", résonne le tumulte des rues istanbuliotes. Ces influences géographiques deviennent des personnages à part entière dans son œuvre, lui offrant une profondeur que beaucoup de ses contemporains peinent à atteindre.



Cette dimension presque "cinématographique" de sa musique n'a pas échappé à des réalisateurs comme Guillermo del Toro, qui a salué son travail pour sa capacité à évoquer des atmosphères entières en quelques notes. Il y a, dans les compositions de Kazy Lambist, une qualité narrative qui dépasse le simple morceau pop. Chaque titre semble raconter une histoire, ou du moins en suggérer une, laissant à l'auditeur le soin de la compléter.



Un miroir de sa génération



En fin de compte, Kazy Lambist incarne les contradictions et les aspirations d'une génération. Née avec Internet, elle a grandi dans un monde de possibilités infinies, mais aussi de saturation culturelle. Son parcours – du piano classique au home studio, de Montpellier à Istanbul – reflète cette quête d'authenticité dans un environnement souvent superficiel.



Il représente aussi une forme de résistance douce. Sans jamais s'ériger en porte-parole, il montre qu'il est possible de réussir sans céder aux sirènes du formatage. Son refus des boucles répétitives, son attachement à la mélodie, son amour des instruments acoustiques dans un univers électronique : tout cela parle à ceux qui, comme lui, refusent de choisir entre tradition et modernité.



Et puis, il y a cette touche de nostalgie, présente dès ses premiers morceaux. Une nostalgie qui n'est pas tournée vers le passé, mais vers un futur possible, un endroit où la musique serait à la fois un refuge et une aventure. C'est peut-être là que réside la clé de son succès : il ne vend pas seulement des chansons, il propose une échappée.



Alors que Moda s'apprête à sortir, et que les projecteurs se braquent à nouveau sur lui, une question persiste : Kazy Lambist restera-t-il cet électron libre, ou deviendra-t-il, malgré lui, une figure institutionnelle de la musique française ? La réponse importera moins que le chemin qu'il prendra pour y arriver. Car c'est dans ce chemin, fait de doutes, de voyages et de mélodies, que se joue la véritable histoire.



Et quelque part, entre deux notes de synthé et un accord de piano, on entend encore le jeune homme de Montpellier, celui qui rêvait devant son écran, en train de composer la bande-son de sa propre vie.

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Kazy Lambist : L'ascension d'un rêveur électronique



Un soir d'été à Rome, entre les ruelles pavées et les éclats de rire des terrasses, Arthur Dubreucq compose "Nirvana", un morceau qui deviendra l'âme de son prochain album. À 33 ans, ce Montpelliérain discret, connu sous le nom de Kazy Lambist, a transformé son home studio en un laboratoire de sons où se mêlent l'électro-pop française, les influences méditerranéennes et une touche de nostalgie des jeux vidéo. Son parcours, jalonné de collaborations avec des figures comme Jean-Benoît Dunckel d'Air et de tournées internationales, raconte bien plus qu'une réussite musicale : c'est l'histoire d'un autodidacte qui a su garder son âme d'enfant tout en conquérant les scènes du monde.



Des touches de piano aux beats électroniques



Arthur Dubreucq naît vers 1991 à Montpellier, dans une famille où la musique classique résonne dès son plus jeune âge. À 7 ans, il s'assoit devant un piano et découvre la rigueur des gammes. Mais l'adolescence le pousse vers la guitare, qu'il apprend en autodidacte, et surtout vers l'univers des synthétiseurs. "J'ai toujours aimé les sons qui racontent une histoire, même sans paroles", confiait-il dans une interview à Saint Audio en 2024.



Le déclic ? Un échange scolaire au Canada, en Colombie-Britannique, où il découvre une boisson locale nommée "Kazy Lambist". Le nom, à la fois exotique et mystérieux, lui colle à la peau. De retour en France, il se lance dans la production musicale, inspirée par les bandes-son de jeux vidéo et les paysages sonores de Radio Nova, qui diffusera ses premières maquettes en 2011.



"La musique, pour moi, c'est comme un jeu vidéo : chaque morceau est un niveau à explorer, avec ses propres règles et ses émotions cachées."


2018 : L'année de la révélation



Après des années de tâtonnements dans son home studio, Kazy Lambist sort son premier album, 33.000ft, en 2018. Le titre, référence à l'altitude de croisière des avions, symbolise son envie de s'élever au-dessus des conventions. L'album, un mélange d'électro-pop élégante et de chill-wave, séduit immédiatement. Des titres comme "Doing Yoga" ou "Love Song" deviennent des hymnes pour une génération en quête de douceur et de rythme.



La même année, il remporte le prix du public inRocks Lab à Paris, un tremplin qui lui ouvre les portes des médias. On le voit sur France 5, dans C à vous ou encore dans Le Petit Journal de Canal+. Même des cinéastes comme Guillermo del Toro et Ana Lily Amirpour saluent son travail, voyant en lui un nouveau visage de la scène électronique française.



Collaborations et tournées : L'électro-pop sans frontières



Kazy Lambist ne se contente pas de son studio. Dès 2019, il collabore avec Jean-Benoît Dunckel, membre du duo légendaire Air, pour l'EP Sky Kiss. Ce projet marque un tournant : l'artiste passe du statut de bedroom producer à celui de créateur recherché. "Travailler avec JB a été une leçon d'humilité et de liberté", avoue-t-il dans une interview pour C-Heads.



Ses collaborations ne s'arrêtent pas là. Il invite Pongo, une voix montante de la scène africaine, sur le titre "Work", et s'associe avec des artistes comme SCARR ou Lass. Ses morceaux, désormais, voyagent : "On You" dépasse les 2 millions de vues sur YouTube, tandis que des festivals comme Rock the Mountain en France ou Ms Dockville en Allemagne l'accueillent à bras ouverts.



Une tournée mondiale et des influences méditerranéennes



Entre 2022 et 2024, Kazy Lambist prend la route. Istanbul, Mexico, Berlin, Varsovie, Montréal, Barcelone... Ses concerts sont des voyages sensoriels, où les synthés fluides rencontrent des rythmes pulsants. Mais c'est à Rome qu'il trouve une nouvelle source d'inspiration. "Cette ville est magique, elle déconnecte du temps", explique-t-il. C'est là qu'il compose "Nirvana", en collaboration avec la chanteuse Julietta, un titre qui annonce son deuxième album, Moda.



Le nom de l'album est un clin d'œil au quartier Moda d'Istanbul, où il a passé des mois à absorber les sons et les couleurs de la ville. Moda promet d'être un tournant : moins électronique, plus organique, avec des violons, des pianos et des influences méditerranéennes. "J'ai rejeté des centaines de maquettes pour rester fidèle à ce que je ressens", confie-t-il. Une quête de perfection qui montre son évolution, loin des boucles répétitives de l'électro traditionnelle.



Un son qui évolue, une identité qui reste



Ce qui frappe chez Kazy Lambist, c'est sa capacité à se réinventer sans perdre son essence. Ses débuts, marqués par des morceaux comme "Annecy" ou "Headson", étaient déjà empreints d'une mélancolie dansante. Aujourd'hui, avec des titres comme "Nirvana" ou "The City Is Beautiful", il explore des territoires plus sombres, plus profonds, tout en gardant cette légèreté qui le caractérise.



Son processus créatif est intuitif. Les paroles, souvent écrites comme un "instrument vocal", viennent après la musique. "Je laisse les sons me guider, comme si je suivais une carte au trésor", dit-il. Cette approche, presque ludique, rappelle ses origines : les bandes-son de jeux vidéo, ces univers où chaque note a un sens.



En 2024, alors que Moda s'apprête à sortir, Kazy Lambist prépare aussi une tournée aux États-Unis et au Canada avec Kid Francescoli. Une nouvelle étape pour cet artiste qui, à seulement 33 ans, a déjà marqué la scène électronique française de son empreinte.



Son histoire est celle d'un rêveur qui a su transformer ses influences en quelque chose d'unique. Entre Montpellier, Rome et Istanbul, Kazy Lambist continue de tracer sa route, un beat à la fois.

L'alchimie sonore : des studios de Montpellier aux ruelles de Rome



La carrière de Kazy Lambist ne suit pas une trajectoire linéaire. Après le succès de 33.000ft en 2018, une période de tournées intensives l'éloigne des studios. Pourtant, cette phase n'est pas un arrêt. Elle nourrit une maturation profonde, visible dans ses projets ultérieurs. En 2021, il sort l'EP Decrescendo, un exercice de réinvention audacieux. Il y reprend ses titres phares avec un ensemble classique, transformant des morceaux électroniques en pièces lyriques pour cordes et piano. Ce projet, bien plus qu'une curiosité, démontre sa maîtrise compositionnelle et son refus de l'enfermement dans un seul genre.



Le laboratoire de Moda : centaines de démos et une épure retrouvée



La genèse de son deuxième album, Moda, prévu pour 2024, est un récit en soi. Arthur Dubreucq a passé deux ans entre Rome et Istanbul, des villes qui ont redéfini sa palette sonore. Le processus a été méticuleux, presque douloureux. "J'ai créé et rejeté des centaines de démos", révèle-t-il à C-Heads Magazine. Cette rigueur avait un but : éviter la répétition et retrouver le cœur de sa musique. Le résultat s'éloigne de l'électro-pop pure pour intégrer des instruments organiques – violon acoustique, piano, percussions méditerranéennes – et des mélodies qui semblent chargées de la lumière d'Italie.



Le single "Nirvana", enregistré à Rome avec la chanteuse Julietta, en est le parfait ambassadeur. La chanson mêle des lignes de basse chaloupées à des synthés vaporeux, tandis que la voix de Julietta ajoute une sensualité languissante. C'est un son moins immédiatement "dansant" que "Doing Yoga", mais plus profondément évocateur. Il s'agit d'une évolution assumée, passant du "home studio" montpelliérain à une inspiration puisée dans le chaos créatif d'Istanbul et la dolce vita romaine.



"Rome est une ville qui vous déconnecte du temps présent. On s'y perd, et c'est dans cette perte que l'on trouve des idées nouvelles. Istanbul, c'est son contraire énergétique, une pile électrique. Moda est né de ce dialogue."


L'architecture d'un son : entre pop immédiate et textures complexes



Analyser la musique de Kazy Lambist, c'est comprendre comment il équilibre accessibilité et sophistication. Ses titres les plus populaires, de "On You" à "Headson", reposent sur des hooks immédiats – une ligne de synthé accrocheuse, un refrain entêtant. Mais écoutez de plus près : les arrangements sont rarement simples. Il superpose des couches de textures, des nappes atmosphériques à des détails rythmiques fins, héritage de ses heures passées à sculpter le son sur ordinateur.



Cette dualité se retrouve dans ses collaborations. Avec Pongo sur "Work", il fusionne son électro-pop douce avec l'énergie Kuduro de l'artiste angolaise, créant un pont entre deux continents musicaux. Son remix de "Acacia" en 2021 pour le duo français Polo & Pan montre son habileté à recontextualiser un morceau tout en en préservant l'essence joyeuse. Chaque projet est un calcul précis entre son identité et celle de l'autre artiste.



Son approche des paroles est tout aussi distinctive. Il les traite comme un "instrument vocal", privilégiant souvent la sensation au récit littéral. Dans "The City Is Beautiful" (2022), les phrases se répètent, s'étirent, devenant elles-mêmes une mélodie dans la mélodie. Cette méthode intuitive, qu'il compare à du "beatboxing émotionnel", donne à ses chansons une universalité qui dépasse la barrière de la langue.



Une présence scénique qui a mûri



Celui qui débutait seul derrière ses machines est devenu un performeur accompli. Sur scène, Kazy Lambist est désormais souvent accompagné de musiciens, donnant une chair nouvelle à ses compositions. Ses passages dans des festivals comme Caribana en Suisse ou Rock the Mountain en France ont forgé sa réputation. Les retours critiques pointent l'évolution d'un set qui gagne en densité et en chaleur humaine, loin de la froideur que l'on prête parfois à la musique électronique.



Cette transition du studio à la scène est cruciale dans l'économie actuelle de la musique. Elle ancre son projet dans le réel, créant un lien direct avec un public qui ne cesse de grandir. Sa tournée nord-américaine à venir avec Kid Francescoli, prévue après la sortie de Moda, n'est pas un hasard. Elle vise des marchés où l'électro-pop française, portée par des labels comme Kitsuné il y a une décennie, conserve un capital de coolness et une attente pour de nouveaux visages.



Dans le paysage musical français : un électron libre ?



Positionner Kazy Lambist dans la scène électro-pop française actuelle demande de la nuance. Il n'appartient pas à la vague "French Touch" des années 2000, trop jeune pour cela. Il ne s'inscrit pas non plus dans l'hyper-production électronique plus agressive de certains de ses contemporains. Il occupe un espace intermédiaire, aux côtés d'artistes comme Kid Francescoli ou Vendredi sur Mer, où la mélodie et l'ambiance priment sur la puissance du beat.



Son parcours autodidacte et son refus des sentiers battus en font une figure singulière. Alors que beaucoup de producteurs misent sur la régularité des sorties et les algorithmes des plateformes, Dubreucq prend son temps. Six ans séparent son premier album de son second. Ce délai, autrefois courant, est aujourd'hui presque anachronique. Il témoigne d'une volonté de laisser la musique s'incuber, de privilégier l'album comme œuvre cohérente face à la tyrannie du single.



Cette patience est payante. Elle construit une attente et préserve une forme d'intégrité artistique. Dans un entretien avec Saint Audio, il insiste : "Je ne veux pas me répéter. Si c'était le cas, j'aurais sorti un 33.000ft Vol.2 il y a trois ans." Ce positionnement le distingue dans un écosystème musical souvent pressé, faisant de lui un artiste "album" dans l'ère du streaming.



Son influence, bien que difficile à quantifier, est perceptible. La manière dont il a popularisé un son "dreamy" et tropical, sans être cliché, a ouvert une voie. De jeunes producteurs regardent son parcours, de Montpellier aux festivals internationaux, comme une preuve qu'il est possible de conquérir un public large sans quitter sa chambre – du moins au début – et sans sacrifier sa vision personnelle.

L'héritage en construction : entre rêve et réalité



Quand Kazy Lambist a posé ses valises à Rome en 2022, il ne cherchait pas seulement un nouveau décor. Il fuyait une routine créative qui, malgré le succès, menaçait de l'enfermer. Ce départ, plus qu'un changement de latitude, symbolise une question centrale pour tout artiste : comment grandir sans se trahir ? Sa réponse, encore en cours d'écriture, réside dans cette tension entre l'innocence des débuts et la maturité des choix. Le jeune homme qui composait dans sa chambre à Montpellier n'a pas disparu. Il s'est simplement enrichi des couleurs du Bosphore et des murmures du Tibre.



Ce cheminement pose une interrogation plus large sur la scène musicale française. Dans un pays où l'électro-pop a souvent été associée à des collectifs ou à des labels puissants (comme Ed Banger ou Kitsuné), Kazy Lambist incarne une voie solitaire, presque artisanale. Il n'a pas attendu les réseaux d'un Busy P ou d'un Pedro Winter pour émerger. Son ascension, patiente et organique, rappelle que le talent peut encore percer sans machine marketing, à condition d'avoir une voix singulière.



Le défi de la longévité dans l'ère de l'éphémère



La musique électronique vit aujourd'hui sous le règne de l'instantané. Un titre devient viral sur TikTok, un autre disparaît dans le flux continu des plateformes. Dans ce contexte, le pari de Kazy Lambist est risqué : miser sur l'album comme forme d'expression principale, prendre son temps entre deux projets, et refuser les recettes éprouvées. "Je pourrais sortir un single tous les mois, mais à quel prix ?", confie-t-il dans une interview pour Better Things Berlin. Cette résistance à la cadence imposée par l'industrie est à la fois un acte de courage et un pari sur l'intelligence de son public.



Pourtant, ce choix n'est pas sans conséquences. Entre 2018 et 2024, certains de ses pairs ont enchaîné les collaborations, les remixes et les features, accumulant des millions de streams. Lui a préféré l'ombre des studios et des voyages. Le résultat, Moda, sera jugé non seulement sur sa qualité musicale, mais aussi sur sa capacité à reconquérir un espace médiatique qui a la mémoire courte. La question n'est pas tant de savoir si l'album sera bon – les extraits le laissent présager – mais s'il trouvera sa place dans un paysage où l'attention est une denrée rare.



Un autre défi se profile : celui de la scène live. Si ses concerts sont salués pour leur atmosphère immersive, la tournée nord-américaine avec Kid Francescoli sera un test. Le public outre-Atlantique, habitué à des spectacles plus théâtralisés ou à des DJ sets énergiques, accueillera-t-il avec la même ferveur cette électro-pop introspective, teintée de mélancolie méditerranéenne ? L'enjeu est de taille : passer du statut d'artiste français à succès à celui de figure internationale.



Au-delà de la musique : l'art comme écosystème



Kazy Lambist ne se contente pas de faire de la musique. Il construit un univers. Ses collaborations avec des créateurs comme Jean-Charles de Castelbajac pour des projets visuels, ou ses participations à des performances hybrides, montrent une volonté de dépasser le cadre du simple album. Cette approche holistique, où le son, l'image et l'expérience se répondent, le rapproche d'artistes comme Woodkid ou FKA twigs, pour qui l'art est un tout indissociable.



Son attachement à des villes comme Rome et Istanbul n'est pas anodin. Ces métropoles, chargées d'histoire et de contradictions, nourrissent une esthétique qui transcende la simple musique. Dans "Nirvana", on entend les échos des fontaines romaines ; dans les beats de "The City Is Beautiful", résonne le tumulte des rues istanbuliotes. Ces influences géographiques deviennent des personnages à part entière dans son œuvre, lui offrant une profondeur que beaucoup de ses contemporains peinent à atteindre.



Cette dimension presque "cinématographique" de sa musique n'a pas échappé à des réalisateurs comme Guillermo del Toro, qui a salué son travail pour sa capacité à évoquer des atmosphères entières en quelques notes. Il y a, dans les compositions de Kazy Lambist, une qualité narrative qui dépasse le simple morceau pop. Chaque titre semble raconter une histoire, ou du moins en suggérer une, laissant à l'auditeur le soin de la compléter.



Un miroir de sa génération



En fin de compte, Kazy Lambist incarne les contradictions et les aspirations d'une génération. Née avec Internet, elle a grandi dans un monde de possibilités infinies, mais aussi de saturation culturelle. Son parcours – du piano classique au home studio, de Montpellier à Istanbul – reflète cette quête d'authenticité dans un environnement souvent superficiel.



Il représente aussi une forme de résistance douce. Sans jamais s'ériger en porte-parole, il montre qu'il est possible de réussir sans céder aux sirènes du formatage. Son refus des boucles répétitives, son attachement à la mélodie, son amour des instruments acoustiques dans un univers électronique : tout cela parle à ceux qui, comme lui, refusent de choisir entre tradition et modernité.



Et puis, il y a cette touche de nostalgie, présente dès ses premiers morceaux. Une nostalgie qui n'est pas tournée vers le passé, mais vers un futur possible, un endroit où la musique serait à la fois un refuge et une aventure. C'est peut-être là que réside la clé de son succès : il ne vend pas seulement des chansons, il propose une échappée.



Alors que Moda s'apprête à sortir, et que les projecteurs se braquent à nouveau sur lui, une question persiste : Kazy Lambist restera-t-il cet électron libre, ou deviendra-t-il, malgré lui, une figure institutionnelle de la musique française ? La réponse importera moins que le chemin qu'il prendra pour y arriver. Car c'est dans ce chemin, fait de doutes, de voyages et de mélodies, que se joue la véritable histoire.



Et quelque part, entre deux notes de synthé et un accord de piano, on entend encore le jeune homme de Montpellier, celui qui rêvait devant son écran, en train de composer la bande-son de sa propre vie.

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